Chère église,

Nous avons beau l’entendre, le dire et le savoir, avouons qu’il est encore difficile de conceptualiser la notion de « nouvelle normalité », engendrée par le Covid19. Dans le contexte de reprise ou non de nos réunions sur place, je me suis surpris à raisonner en terme de « nous ne sommes pas à 1-2 mois près, pourquoi ne pas redémarrer tous ensemble, lorsque tout sera revenu comme avant », quand on me fit remarquer que le « comme avant » risque de ne pas arriver de sitôt. Oh mais alors ça change toute la réflexion, car la question n’est plus, doit-on réouvrir ou pas, mais est-ce juste envers ceux qui le désirent, de maintenir une fermeture physique de nos locaux dans une optique indéfinie ? Suivre des temps de prières, d’études, de louange et d’échanges via internet, est un des privilèges de notre génération. Ce n’est certes pas 100% comparable (et là-dessus nous sommes tous d’accord), mais au moins les plus vulnérables ne sont pas voués à un isolement absolu.

À présent, ouvrons la parenthèse ci-dessus ainsi : « Pourquoi n’est-ce pas 100% comparable ? ». Une de nos familles du CEP avait posté une photo, faisant des pâtes maison. Je trouvais ces pâtes appétissantes jusqu’au moment où, la semaine qui suivi le déconfinement, nous eûmes le privilège d’être invités chez la famille en question. Les mêmes pâtes que j’appréciais à leur vue sont devenues tout à coup exquises et goûteuses. L’image était agréable mais en rien comparable avec la réalité. Si les pâtes étaient délicieuses, la famille qui nous accueilli fut d’autant plus fameuse et là mes amis, même l’expression « une image vaut mille mots » tombe à l’eau, car la réalité c’est tellement plus que ça ! Réouvrir nos portes, c’est non seulement donner un juste accès à ceux qui le peuvent, mais c’est aussi devenir opérationnels en vue d’accueillir ceux qui, au fur et à mesure se déconfineront.

Reconsidérons un instant les métaphores décrivant une crise. Et si, au lieu de les comparer à une montagne, une tempête, une guerre qui sous-entendent un retour à la normal par la descente, le calme et la paix, nous considérions la crise comme un dérapage continu ? Cette image ne nous amènerait-elle pas à répondre plus adéquatement à notre nouvelle normalité ? Notre société est en dérapage accéléré, à nous d’en faire un « dérapage contrôlé », faisant en sorte que personne ne soit emporté dans les virages de la jalousie, du jugement, de l’égoïsme, du rejet etc. L’Église vivante, celle qui est en ligne directe avec l’Esprit de Christ et non avec un Wi-Fi à bon marché, ne se laisse pas distancier mutuellement, sur des questions aussi éphémères que de la géolocalisation physico-virtuelle. Elle ne se laisse pas spirituellement contaminer par les conséquences logistiques d’un virus biologique. Au contraire elle se serre les coudes, renforcant son amour authentique !

Ensemble, soyons reconnaissants et solidaires

Pst Phil